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Des risques de la posture de "manager coach"

posture de manager coach|Manager coach
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Dans la liste des posture managériales “à la mode”, impossible de ne pas citer celle du “manager coach”. Son développement se généralise en même temps que ce besoin très contemporain d’être accompagné. Comme si la quête du “bonheur” ne pouvait qu’être atteinte avec une myriade de coachs à nos côtés. Il peut s’agir d’un coach sportif, d’un coach de vie, ou encore d’un coach nutritionniste alors pourquoi pas d’un manager coach ? Pourtant cette posture ne s’improvise pas et céder aux sirènes de la mode peut avoir des conséquences problématiques pour une entreprise ou la crédibilité de son service RH.

N’est pas coach qui veut : il ne suffit pas de vouloir aider, il faut savoir aider. 

Le terme de “coach” s’est drastiquement généralisé dans le langage commun, et cette généralisation (ainsi que le manque de réglementations autour de ce métier) nous a fait oublier que la posture du coach ne s’improvise pas. Un bon coach n’est pas seulement quelqu’un d’à la fois expérimenté et empathique, mais quelqu’un respectant les critères suivants : 

  • Avoir au moins été initié aux principes du coaching, notamment pour avoir une première approche des bases méthodologiques et déontologiques qui s’appliquent à ce rôle ;
  • Maîtriser un ou plusieurs outils différents (systémique, analyse transactionnelle, pratiques narratives, etc.) et avoir travaillé ses postures pour savoir s’adapter ;
  • Disposer d’une expertise avérée et cohérente avec la personne qui doit être coachée. Le coach doit notamment être perçu comme légitime par la personne qu’il accompagne. Cela peut se jouer à différents niveaux (études, niveaux de responsabilités occupés, notoriété, etc.) ;
  • Dédier une part conséquente de son temps à cette activité, on est rarement un bon coach en pratiquant une fois par mois ;
  • Avoir et continuer de faire un travail sur lui-même. Les meilleurs managers-coachs sont ceux qui ont surmontés des difficultés et mené un travail d’introspection sur eux-mêmes ;
  • Pouvoir agir en toute indépendance, s’il est lié par une mission confiée par sa hiérarchie, des conflits d’intérêts ou encore un lien trop personnel avec la personne accompagnée, un manager coach ne pourra être réellement pertinent dans son action.

Ces critères montrent bien à quel point les bonnes intentions ne sont pas suffisantes. Le rôle de coach est exigeant et la responsabilité de tout RH ou dirigeant est de répercuter ce niveau d’exigence lors de la mise en place de chaque dispositif d’accompagnement. En effet, un manager coach peut se retrouver à assumer un rôle clé dans une organisation, notamment s’il accompagne un salarié à responsabilité ou rencontrant de fortes difficultés. Il est alors important qu’il soit à la hauteur de la mission qui lui est confiée, pour lui-même, pour le salarié accompagné, ainsi que pour l’organisation.

Au-delà de ne pas être efficace, un mauvais manager coach peut être dangereux pour l’organisation

On pourrait légitimement se faire la remarque suivante : “au fond, pas besoin d’avoir un tel niveau d’exigence, c’est juste pour un peu mieux accompagner mes équipes en interne et faciliter la communication et l’écoute, tant pis si mes managers ne sont pas formés à cette posture de manager coach…”. Non, de même qu’un masseur ne peut pas se prétendre kinésithérapeute sans diplôme, un manager qui communique bien et écoute ses équipes n’est pas un coach. Prétendre le contraire peut avoir des conséquences à plusieurs niveaux et les risques sont nombreux.

Manager coach

1) Décrédibiliser durablement la posture de manager coach

C’est le premier risque et le plus minime. Prenons l’exemple d’un salarié qui aurait suivi un coaching en interne pendant près de 6 mois. L’opération est finalement un échec complet : les deux collaborateurs ont l’impression d’avoir perdu leur temps, la direction constate que le retour sur investissement de l’opération est négatif, le service RH a le sentiment d’avoir bataillé contre des moulins sans aucun résultat... Personne ne voudra réitérer l’expérience, surtout pas avec un coach extérieur et ses honoraires exorbitants. 

Dans un cas comme celui-ci, c’est l’organisation toute entière qui se prive d’une opportunité de développement.

2) Jouer à l’apprenti sorcier avec les sentiments des autres

S’autoriser à prendre une posture de coach c’est s’autoriser à repousser les limites que le cadre professionnel impose. C’est sortir de la sphère purement professionnelle pour s'immiscer dans la sphère personnelle. Cette percée doit être menée avec précaution à tous les niveaux et le second risque est de générer du mal-être autour d’un coaching qui créerait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. 

Il est non seulement nécessaire que le salarié accompagné soit consentant et actif dans la démarche, mais également que le manager coach soit conscient des enjeux et capable de gérer le poids de ce qu’on lui confiera. Pour caricaturer, pensez aux dommages que pourrait occasionner un manager qui donnerait de très mauvais conseils ou pire encore qui recevrait des confidences d’un salarié harcelé sur son lieu de travail et qu’il les balaierait car il ne saurait pas comment gérer ce genre de situation. Certains problèmes doivent être traités par des professionnels, des personnes d’expérience, qui sauront agir au regard de situations, souvent humaines, complexes.

Ainsi, bien que le rôle du coach soit valorisé dans une entreprise et que la volonté d’aider puisse être portée par les meilleures intentions du monde, accompagner quelqu’un ne s’improvise pas. Et même un manager ayant une tendance naturelle à l’écoute et à l’empathie pourrait être piégé face à un coaching qu’il n’aurait pas été armé pour gérer.

3) Légitimer sans le vouloir une organisation produisant du mal-être

C’est finalement le principal risque et le plus subtil. Le rôle du manager coach n’est pas de “soigner”, mais d’interroger. Il n’est pas là pour apporter des solutions mais des questionnements. La déontologie et l’indépendance citées précédemment ont toute leur importance car un manager coach ne doit pas se retrouver - à son insu - l’instrument qui rend légitimes les dysfonctionnements d’une entreprise.

Dit autrement, un manager coach qui manquerait d’expérience ou de capacité à prendre du recul sur la situation qu’on lui présente, risquerait d’apporter une solution temporaire et factice à un problème structurel. De même que les antibiotiques ne sont pas automatiques comme le dit la célèbre formule, il convient de s’interroger en profondeur sur les causes du problème. Celles-ci peuvent alors être tant liées à l’individu accompagné qu’à l’organisation de manière plus générale. Dans les deux cas, il faut disposer des outils, de la posture et de l’expérience adéquate pour apporter des solutions adaptées.

Au-delà du côté temporaire d’une solution qui serait de courte durée, le risque est d’ancrer comme “normal” le caractère défaillant d’une organisation. On pourrait alors entendre dire “non, ça ne peut pas être le fonctionnement du service marketing qui pose problème, on en aurait parlé pendant le 1er accompagnement”. 

On voit donc - sans surprise - qu’en vidant de toute sa matière le rôle de manager coach, on vide également de toute matière la profondeur de son intervention et donc son efficacité

D’un point de vue systémique, c’est la meilleure manière de créer ce qu'on appelle de “l'homéostasie”, à savoir une situation de “non changement”. C’est d’ailleurs l’un des premiers écueils que les coachs expérimentés identifient dans une organisation. Le fait de faire appel à des managers-coachs n’ayant pas les qualifications nécessaires est un excellent moyen de s’assurer de l’homéostasie d’une organisation. 

Que faire alors de cette mode ?

Mon propos n’est évidemment pas de dire qu’il faut tuer dans l'œuf toute volonté d’accompagnement de la part des managers. Je souhaite plutôt insister sur la nécessité de faire preuve d’exigence et pédagogie. 

Le rôle du RH est alors double :

  • Faire preuve d’exigence envers lui-même et envers les autres et refuser de valider tout processus d’accompagnement par quelqu’un qui ne serait pas assez qualifié ;
  • Faire preuve de pédagogie et jouer pleinement son rôle de catalyseur de compétences en sensibilisant managers et dirigeants aux subtilités de la posture de “manager coach”. 

La complexité de ce rôle ne doit pas être minimisée pour qu’il soit toujours considéré à sa juste valeur, il en sera peut-être moins accessible, mais d’autant plus valorisé au sein de l’entreprise !

Article publié au sein du Mag RH numéro 12 consacré aux modes managériales.

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