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La “Grande Démission”, quand les entreprises récoltent les raisins de la colère.

Personne avec un carton quittant son travail
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La crise sanitaire, l’évolution des métiers ou encore l’arrivée de nouvelles générations sur le marché du travail bouscule les codes et provoque une vague de désengagement et de démissions. Initiée aux Etats-Unis, La Grande Démission, est un mouvement qui atteint aujourd’hui la France et inquiète de nombreux professionnels. Pour faire face à cette crise et à la guerre des talents qui s’annonce, les organisations doivent réagir avec ambition et finesse.

Qu’est-ce que la grande démission ?

Caractérisé par une vague de départs ainsi que par des difficultés à recruter, observé depuis plusieurs mois aux Etats-Unis. Le mouvement de la Grande Démission (“Great Resignation” ou encore “Big Quit”) commence à s’observer en Europe et en France. À la différence du marché Américain qui a vu le nombre de démissions atteindre 3% de la population active en août 2021, le marché du travail français est mieux protégé. Notamment légalement, ce qui a freiné le développement de cette vague et l’explosion des mobilités.

Pourtant, aujourd’hui plusieurs indicateurs concordent : le nombre de ruptures conventionnelles est en augmentation de près de 8% en France tandis que le nombre de création d’entreprises n’a jamais été aussi haut en 2021. En parallèle, 80% des PME sont déjà confrontées à des difficultés de recrutement. Un chiffre confirmé par l’ANDRH qui indique que 80% de ses membres sont confrontés à une pénurie de main d’oeuvre.

Ces chiffres sont d’autant plus problématiques que le chômage diminue. Cela confirme que l’offre reste plus importante que la demande. Ce mouvement touche indifféremment tous les domaines : tant le secteur médical et les chercheurs que le secteur des nouvelles technologies ou encore que des secteurs techniques où plus de 100 métiers sont qualifiés de “en tension”.

Un mouvement aux multiples racines

Il serait trop simpliste de résumer les origines de ce mouvement à un simple caprice générationnel ou à la seule manifestation de la crise sanitaire. En effet, la grande démission est le résultat de plusieurs phénomènes qui se répondent et s’amplifient mutuellement.

nouvelles préoccupations sociales et sociétales

Des préoccupations sociales et sociétales qui évoluent

Nous nous préoccupons de plus en plus du sens et de l’impact de notre travail, de l’influence de ce dernier sur notre équilibre de vie. Mais aussi de l’engagement environnemental des entreprises. On voit par exemple que socialement parlant, la considération de ce qu’est un “bon job” a évolué : il ne s’agit plus tant de chercher un salaire élevé ou une carrière dans un grand groupe que de l’équilibre, de l’épanouissement ou encore de l’impact social.

La dénonciation des “bullshit-jobs”, notion popularisée par David Graeber. Ou encore le fait que 20% des cadres ne souhaitent plus être managers, sont d’autres indicateurs de l’évolution des mentalités. Cette évolution est particulièrement forte chez les jeunes diplômés. Comme en témoigne récemment le succès du documentaire Rupture(s) primé à Cannes ou encore l’émergence du compte “Balance ta start-up”, et explique en partie le mouvement de la grande démission.

La société a évolué plus rapidement que les organisations. Et ce décalage pousse beaucoup de salariés à essayer une autre voie.

La crise sanitaire en catalyseur géant

Parallèlement, ce mouvement a été accéléré par les confinements successifs. En effet, les longues périodes d’isolement ont donné le temps nécessaire pour mener à bien des réflexions personnelles. Mais aussi à engager des projets professionnels (formation, reconversion, freelancing…). La grande démission s’explique ainsi également par l’accouchement de bon nombre de ces projets.

De la même manière, les confinements ont également accéléré le développement du télétravail et des outils collaboratifs à distance. Ils viennent alors bousculer le paradigme du travail au bureau. En conséquence, l’univers des possibles s’est élargi pour les salariés et l’exode des grandes villes s’est accéléré. Catalysant encore les mouvements de mobilité.

L’évolution des métiers et la pénurie des talents

Enfin, il est intéressant de noter que les évolutions des métiers (montée en puissance de l’automatisation et de l’intelligence artificielle) ainsi que le retard de la formation professionnelle et des nombreuses filiales qui peinent à fournir assez de profils qualifiés, contribuent largement à la pénurie des talents et à l’inversion d’un rapport de force dans l’entreprise. En effet, les employés apportant la plus forte valeur ajoutée (qu’ils soient diplômés ou non) ont un levier qui leur permet de s’affranchir du lien classique de tutelle/subordination avec une entreprise.

Ce dernier constat explique notamment l’augmentation du nombre de freelances, d’autant plus que les métiers se globalisent. En effet, de plus en plus d’entreprises américaines viennent chasser leurs meilleurs talents en Europe. Bousculant alors le marché du travail en proposant des rémunérations bien plus attractives. Cela contribue à accentuer la guerre de talents et accélérer les mobilités.

Personne qui pleure après avoir quitté son travail

Les organisations en question pour faire face à la crise en devenir

Comme nous l’avons vu, les entreprises ne sont pas les seules responsables de la crise qui s’annonce. On pourrait reprocher à certaines organisations d’avoir fait l’autruche et refusé de voir les chiffres annonciateurs. Comme la montée continue de l’absentéisme depuis 2016, mais l’essentiel est surtout d’agir face au mouvement actuel. Avec près de 79% des salariés qui sont activement désengagés, on peut parler d’une véritable crise du désengagement dans l’entreprise. Cette crise appelle à des mesures organisationnelles fortes et parfois difficiles. En effet, comme le précise François Meuleman, “les causes de l’absentéisme sont souvent plus dérangeantes pour l’entreprise que pour les salariés”.

L’enjeu pour les entreprises est de prendre acte de l’évolution du contrat tacite qui les lie à leurs salariés. Aujourd’hui, proposer un métier et une rémunération ne suffit plus. Le paradigme de l’emploi à vie s’est effondré avec la mondialisation et doit être remplacé par celui de l’employabilité à vie. Dis autrement, c’est en assurant l’employabilité des salariés à long terme que les organisations réussiront à engager leurs équipes dans la durée.

Ce changement de paradigme implique d’opter pour une vision plus systémique de l’entreprise.

  • il ne suffit pas de corriger le tir à coups de coachings ponctuels. Mais de questionner les problèmes organisationnels et relationnels ;
  • l’organisation doit être capable d’affronter des crises et d’absorber les phases de stress sans transporter (voir amplifier) la tension et le stress vers ses salariés ;
  • les entreprises doivent devenir plus apprenantes. C’est-à-dire non pas former leurs équipes, mais gagner en plasticité pour s’adapter plus rapidement aux évolutions du monde du travail.

Quelles pistes concrètes pour affronter la grande démission ?

Dès lors, quelles actions mettre en place ? À la fois pour conserver ses talents mais aussi attirer de nouvelles recrues et les former.

  • Redonner du sens. En effet, la crise du sens est à la racine du désengagement de nombreux salariés. Cela se joue tant au niveau de l’entreprise (sa mission, son impact social et sociétal) qu’au niveau du salarié (ses missions au quotidien, sa place dans l’organisation, son importance).
  • Considérer et personnaliser. Plus que jamais, les salariés accordent une importance grandissante à leur santé mentale et leur équilibre physique. Cela oblige les entreprises à affiner leurs processus managériaux pour valoriser et écouter davantage. Il est aussi nécessaire de faire preuve de flexibilité et de personnalisation : là où le télétravail sera synonyme de bien-être chez certains, il peut également créer de l’isolement chez d’autres. D’où l’importance d’apporter des réponses adaptées et flexibles.
  • Développer les compétences. Près de 68% des salariés se considèrent comme prêt à se former activement. L’idée de la formation tout au long de la vie est de plus en plus répandue, et comme nous l’avons vu récemment, l’évolution des métiers doit pousser les entreprises à investir drastiquement dans la formation. Comme le disait Abraham Lincoln : « Si vous trouvez que l’éducation coûte trop cher, essayez l’ignorance ! ».
  • Valoriser la loyauté. Cela peut se faire de différentes manières, tant financièrement que professionnellement, toujours est-il que reconnaître que l’engagement d’un salarié dans la durée est précieuse pour l’entreprise est un excellent moyen de fidéliser dans la durée.
  • Capitaliser sur les connaissances. Dans un monde où la masse salariale est de plus en plus liquide et où les mobilités sont la norme, la gestion de la connaissance devient un véritable atout dans une organisation.

Faciliter les départs. Le coût des pertes de productivité peut être dramatique pour une entreprise, de nombreux experts s’accordent sur le fait qu’un départ rapide est moins nocif qu’un présentéisme de longue durée dans l’organisation.

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